Flora Mikula : du caractère et du goût

Flora Mikula
Flora et Loïc Ballet présentent le superbe pâté de croûte

Cette femme au caractère bien trempé a su se faire un nom dans le monde très machiste de la bistronomie. Rencontre.                

Il paraît que la cuisine est réservée aux hommes… Il paraît, car au 44 boulevard Richard Lenoir se cache l’une des cuisines les plus gourmandes de la capitale où, non loin de Bastille, Flora Mikula propose de faire danser vos papilles. Une battante. La première fois que je l’ai croisée, c’était aux “Francos Gourmandes” en Bourgogne. Là-bas, à Tournus, Flora menait quinze chefs à la baguette afin de concocter une volaille pour Mika ! L’artiste gourmand, avait fait sentir que son ventre était creux. Cette fille de militaire au cœur tendre prend très vite les rênes en cuisine de la demeure familiale. À la mort de sa mère, l’enfant du Vaucluse met la main à la pâte ; à l’âge de neuf ans, c’est avec sa grand-mère qu’elle apprend l’amour de la cuisine. Flora s’initie à cet art. Sur le marché d’Avignon, ses sens se développent. Elle reconnaît vite la fraîcheur des produits, le parfum des herbes de Provence. Dans la famille, il faut l’admettre, le coup de fourchette est héréditaire !

Chaque été, avec son père, elle sillonne les routes d’Europe en caravane. Flora aime la vie et l’aventure, c’est sans doute ce qui lui transmettra cette bougeotte éternelle qu’a la demoiselle. Gourmande à table comme en amitié, elle croque la vie à pleines dents et reste toujours très entourée. À seize ans, un brin espiègle, elle tente à maintes reprises d’intégrer l’école hôtelière d’Avignon qui prohibe les femmes en cuisine. Mais elle ne lâchera pas son tablier pour autant. La jolie blonde pétillante n’a pas dit son dernier mot. Téméraire, elle réussit non seulement à entrer à l’école hôtelière d’Avignon, mais elle en ressort première. Même si le tour est bien joué, la partie n’est pas gagnée. Être une femme en cuisine dans les années 80 n’est pas chose facile. À l’époque, les restaurateurs préfèrent voir les filles en salle qu’en cuisine. Qu’à cela ne tienne. Flora Mikula passe par la fenêtre quand on lui ferme la porte !

À l’âge de seize ans, c’est la révélation ; la demoiselle réalise son premier stage chez “le pape de la Provence” : Christian Étienne. Romarin, huile d’olive, légumes du soleil… le maître est partout, en salle comme derrière les fourneaux ; avec lui elle fera ses premiers pas. C’est lui qui lui transmettra le flambeau de la cuisine du sud. Démarre alors un long périple à travers le monde pour la jeune femme. Aux côtés de grands chefs talentueux, elle traverse d’abord la Manche pour gagner l’Angleterre. Un matin, accompagnée de son père et sa sœur, ils prennent le ferry. Flora dépose ses valises à Londres. Outre-Manche, elle s’épanouie. Les “Rosbif” semblent moins misogynes en cuisine…

Un talent sans frontières

Quelques années passent lorsqu’un matin, un grand chef lui dit : “Tu sais, tu as ta propre cuisine, ton style, il est temps que tu rentres en France ” Ce matin-là, à Londres, Jean-Michel Lorrain semble avoir capté que la petite Flora doit voler ses propres ailes. Des mots qui ne tomberont pas dans l’oreille d’une sourde. Globe-trotteuse dans l’âme comme dans l’assiette, Flora Mikula s’envole alors aux quatre coins du monde : Antilles, Maroc, Japon, États-Unis… Les New-Yorkais ont même failli nous la voler ! Mais la vie en décidera autrement. Au repos forcé, Flora rentre en France pour une convalescence nécessaire. Un repos d’une courte durée. Très vite, les fourneaux ne tarderont pas à la rappeler. L’eldorado gastronomique au féminin sera donc français.

En 1994, l’Avignonnaise entre à L’Arpège. Alain Passard, le maître des lieux lui fait du pied. Il décèle en elle tous les ingrédients d’un grand chef. À 24 ans, le triple étoilé qui a confiance en la jeune fille, la promeut second en cuisine. Dans la brigade, les hommes font grise mine. “Ils ne comprenaient pas comment une fille arrivant de nulle part puisse avoir cette place !” souligne Flora, amusée. Elle se sent pousser des ailes.

Flora Mikula
Le pâté de croûte de Flora : une entrée sacrée…

Deux ans plus tard, elle devient chef et seule maître à bord à la célèbre brasserie de Montparnasse La Rotonde. Tous les prétextes sont bons pour venir savourer sa côte de bœuf Salers ! Guy Savoy ou encore Yves Camdeborde en sont friands. Puis débute l’aventure des “Olivades”, son premier restaurant ! À 27 ans, la jeune femme vole enfin de ses propres ailes en ouvrant sa première adresse – une ambassade provençale – avenue de Ségur à Paris. De l’amuse-bouche au dessert, l’huile d’olive est célébrée et ses mets attirent les foules. Son entrée sacrée : pâté en croûte ou panna cotta au foie gras, un bonheur pour régaler les papilles est à la carte ! Les guides gastronomiques se précipitent à la rencontre de cet oiseau rare à l’assiette généreuse.

Flora part alors à la conquête des étoiles en s’installant avenue George V à Paris en 1996. Mais “Les Saveurs de Flora” ne seront jamais étoilées. Qu’importe ! C’est dans les yeux des clients qu’elle voit briller ses étoiles. Chez Flora, la joie du goût s’affiche sur les visages comme au menu. Sa carrière fait alors une ascension fulgurante. Elle enchaîne les émissions télévisées : MasterChef, Top Chef, Dans la peau d’un chef…. Sur le plateau d’Un chef à l’oreille sur France 2, Flora murmure à l’oreille des candidats ses secrets de cuisine. Depuis son entrée dans les médias, cette femme de caractère défend la place des femmes aux fourneaux. En 2012, elle relève un nouveau défi qui s’avère être un rêve : L’Auberge de Flora ouvre ses portes !

Une battante au cœur tendre à la Bastille

Flora MikulaFlora n’est pas le genre de chef à se pavaner dans sa cuisine comme le font certains ! Quand la dame est en cuisine, elle cuisine ! Infatigable, entre émissions et restauration, Flora Mikula vadrouille sans cesse. Mais chaque matin, elle a rendez-vous devant son fourneau. “C’est vital”. Une manière de se ressourcer. Spatule en main, elle libère sa créativité entre truffes du Vaucluse, sa terre maternelle et quelques belles pièces de pata négra ! Un moment qu’elle savoure. Dans les assiettes, on entend chanter les cigales. Un zeste copieux, ses menus ensoleillés se partagent. Flora aime les tapas, alors chez, elle on partage quand l’assiette arrive en salle. Cette chef est une ambitieuse qui aime créer, imaginer et impulser l’atmosphère de ses restaurants.

À l’Auberge, elle propose à la fois la chambre et le couvert en ouvrant une maison d’hôtes aux menus teintés de soleil à deux pas de la Bastille. Depuis, une petite révolution provençale s’est déclarée à Paris ! Dédié à la gourmandise, ce lieu offre aussi cocktails, sandwichs et menus vegan… À l’image de sa propriétaire, on y retrouve gaieté, caractère et générosité dans l’assiette et dans l’âme. De quoi en faire tout un plat.

Loïc Ballet

Auberge Flora
44 boulevard Richard Lenoir 75011 Paris
Tél. 01 47 00 52 77
www.aubergeflora.fr

 

 

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