Musique : Le succès fulgurant des sœurs Berthollet

Soeurs Berthollet
© Simon Fowler

Les contes de fées existent. L’histoire de Camille et Julie Berthollet le démontre depuis bientôt quatre ans avec une première apparition remarquée sur France 2.

Tout commence le 27 décembre 2014 ; fait rare à la télévision, une nouvelle émission de musique classique est présentée en prime time sur France 2. Intitulée Prodiges, c’est une sorte de télé-crochet pour virtuoses âgés de moins de 16 ans. Apparaît alors une très jolie jeune fille qui crève l’écran instantanément. Outre la rousseur flamboyante de sa chevelure et le rouge pétaradant de sa robe, cette jeune fille joue fort bien du violon. On ne verra et on n’entendra qu’elle ce soir-là. Elle survole le concours et s’impose comme une évidence. Bonne pioche pour la production autant que pour la jeune Camille. Cette diffusion réunit trois fois plus de spectateurs qu’une émission classique habituelle et sa pérennité est garantie. La carrière de Camille Berthollet commence. Elle n’a que 15 ans.

La naissance d’un phénomène

Soeurs BertholletMoins d’un an plus tard, une grande maison de disques – Warner Classics – sort le premier enregistrement de Camille. Le succès du CD est immense. Le public n’a pas oublié la jeune et belle rousse ! Cent mille exemplaires vendus. C’est à la limite de l’improbable de nos jours en variété. Sur cet enregistrement, des musiciens tels que le jeune pianiste français Guillaume Vincent, l’Orchestre d’Auvergne et une autre Berthollet, Julie, la sœur de Camille. Au programme, un florilège de pièces connues comme Les Danses hongroises de Brahms, un tango de Piazzolla, une Czardas de Monti et Les Quatre Saisons de Vivaldi.

Avec leur fâcheuse habitude d’être agacés par le succès, les professionnels s’interrogent. Qui est cette jeune violoniste ? Pourquoi ne joue-t-elle que des saucissons (expression qui signifie les tubes du répertoire) ? Qui l’a formée ? D’où vient-elle ? Il est vrai que dans le domaine classique, on a connu mille jeunes prodiges qui n’ont ensuite jamais fait carrière, écrasés le plus souvent par les ambitions étouffantes d’une famille ou simplement par une charge de travail quotidienne considérable.

Deux sœurs, deux talents

Soeurs Berthollet
© Simon Fowler

À la question de la formation, une première grosse surprise. Camille Berthollet est d’abord violoncelliste et non pas seulement violoniste. Dès l’âge de quatre ans, c’est avec le violoncelle qu’elle a découvert et pratiqué la musique. Et surtout qu’elle s’y est formée auprès de professeurs et interprètes renommés comme Philippe Muller, Christophe Coin ou Frans Helmerson. Ce n’est qu’à l’âge de huit ans qu’elle a décidé de jouer aussi du violon pour suivre ensuite une formation de haut niveau auprès de grands aînés comme Shlomo Mintz ou le gourou absolu de cet instrument, Zakhar Bron.

En 2016, avec le succès de son premier album, on découvre que cette musicienne a un double, une presque sœur jumelle qui se prénomme Julie. De deux ans plus “vieille” que Camille, Julie est violoniste. Et Camille n’envisage pas de faire quoi que ce soit sans sa sœur… qui le lui rend bien.

Prodige, mot dont l’étymologie est “mettre en avant”, ne pouvait être mieux adapté à pareille situation. Une émission révèle une artiste qui en révèle une autre… Julie Berthollet a vingt ans. Après des études de piano, elle a tout de suite adopté le violon et sa formation est aussi des plus robustes : études comme Camille à la Jacobs School de Bloomington (USA) dont Zakhar Bron assure la direction, Chapelle Reine Élisabeth de Belgique avec le célèbre violoniste Augustin Dumay… Douée comme sa sœur, elle touche aussi au piano et écrit certains des arrangements des œuvres qu’elle interprète.

Cette gémellité – même fausse – des sœurs Berthollet, est touchante et impressionnante. Les rencontrer le démontre à chaque instant. Une question à l’une et c’est autre qui répond, et inversement ! On aurait parfois presque du mal à les différencier tant elles se ressemblent. Elles ont grandi ensemble, jouent ensemble, voyagent ensemble et partagent le même appartement. Avec un sens aigu de la promotion, elles ont même récemment acheté ensemble leur premier logement, suivies par les caméras de l’émission Recherche Appartement de Stéphane Plaza. Et côté concerts, c’est la même chose. En musique de chambre, les sœurs Berthollet jouent ensemble et lorsqu’elles travaillent avec un orchestre, elles interprètent avant tout des doubles concertos pour violon et violoncelle qui leur permettent de ne pas être séparées.

Trois albums en tête des ventes

soeurs bertholletEn 2016, en France, les jaloux et les sceptiques se demandèrent si le phénomène allait perdurer. La réponse du public dépassa toutes les espérances. Centré non plus seulement sur Camille mais aussi sur Julie, un second album remporte un succès quasi-identique au premier. Avec habileté et sans doute nécessité musicale, Camille était revenue à son instrument de prédilection – le violoncelle – et Julie s’était imposée comme la violoniste du binôme. Personne ne releva cette incongruité pour Camille d’avoir connu la célébrité avec un instrument et de poursuivre… avec un autre ! Mais qu’importe. Ce deuxième album plus ambitieux, enregistré avec l’Orchestre d’Auvergne connaît un succès fulgurant. On aurait pu craindre que le grand public ne soit dérouté par le changement d’instrument de Camille, par l’arrivée de Julie ou par un répertoire un peu plus resserré. Il n’en fut rien. Seules grandirent les réflexions amères des aigris habituels : “Prenez deux belles jeunes femmes, faites-les jouer des tubes classiques et le succès sera à la clé”. Les mêmes oublient que s’il existait une recette du succès, toutes les maisons de disques la mettrait en pratique.

Sorti en 2017, le troisième opus de Camille et Julie Berthollet suit la même voie. Si le principe des précédents, à savoir pièces courtes, tubes classiques et moins classiques, guest-star sur un titre pouvait laisser craindre une relative lassitude du public, il n’en est rien. L’album caracole dans le peloton de tête des ventes. Depuis deux ans, Camille et Julie ont découvert la scène et les concerts. Un monde différent de celui des studios où il est facile de corriger et de reprendre dix fois la même phrase musicale pour atteindre la perfection. Le succès est encore au rendez-vous ! Petites ou grandes salles, les sœurs Berthollet savent convaincre. Qu’elles soient classées à la rubrique classique ou cross-over, rien ne leur importe moins, bien décidées à poursuivre leur chemin librement, avec demain peut-être, un véritable album classique avec un Double Concerto de Brahms ou un Triple Concerto de Beethoven. Mais demain aussi, une autre réalisation où se côtoieront classique, variété et jazz.

Quand il ouvre son cœur à des artistes, le public ne le referme jamais. Et il faudrait être terriblement rabat-joie pour ne pas apprécier que deux jeunes femmes bien installées dans leur époque, aimant vivre, rire et danser, poursuivent leur travail de passeur de bonheur et d’émotion.

soeurs berthollet
© Simon Fowler

Depuis deux ans, Camille et Julie ont découvert la scène et les concerts. Un monde différent de celui des studios où il est facile de corriger et de reprendre dix fois la même phrase musicale pour atteindre la perfection. Le succès est encore au rendez-vous ! Petites ou grandes salles, les sœurs Berthollet savent convaincre. Qu’elles soient classées à la rubrique classique ou cross-over, rien ne leur importe moins, bien décidées à poursuivre leur chemin librement, avec demain peut-être, un véritable album classique avec un Double Concerto de Brahms ou un Triple Concerto de Beethoven. Mais demain aussi, une autre réalisation où se côtoieront classique, variété et jazz.

Quand il ouvre son cœur à des artistes, le public ne le referme jamais. Et il faudrait être terriblement rabat-joie pour ne pas apprécier que deux jeunes femmes bien installées dans leur époque, aimant vivre, rire et danser, poursuivent leur travail de passeur de bonheur et d’émotion.

Philip de la Croix

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