Basée à Bordeaux, Derenoncourt Consultants conseille aujourd’hui 120 propriétés viticoles dans 17 pays autour d’un même dessin : s’illustrer par des vins de caractère.
Si de par « le réchauffement climatique » la vigne fait de timides apparitions à Boulogne-sur-Mer ou dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, il paraît improbable qu’elle préoccupe Dunkerque. Surtout en 1963. Cette année-là pourtant, la ville flanquée de sa froide Mer du Nord accueille un futur grand nom du vin. Stéphane Derenoncourt, après un début de vie chaotique, les trois huit à l’usine… file vers le Sud chercher dans l’évasion une contrée plus verte et salvatrice qu’il va trouver dans le bordelais. À 18 ans, il participe à des vendanges, passe par tous les travaux de la vigne d’où lui viendra la révélation : cet attachement à la terre et à la nature qui ne l’a plus quitté. Le premier à lui donner sa chance à 22 ans, sera Paul Barre. Viticulteur à Fronsac (Châteaux La Grave et La Fleur Cailleau) appliquant de surcroît, les principes de la biodynamie. Par amour de la terre et de la nature justement. Une méthode de culture ancestrale qui en ce temps-là, tandis que sévit la chimie pour l’emporter, relève du gros mot, de l’ésotérisme, voire du surréalisme. Voilà qui convient bien à notre anticonformiste pas mécontent de l’être. Nommé maître de chai, Stéphane a trouvé sa voie qu’il va tracer dans le respect et l’apprentissage des sols et sous-sols. Avec le bon sens des anciens : les deux pieds dans la terre et la tête dans le cycle des planètes.
Son second poste de maître de chai, il le doit au Château Pavie-Macquin (Saint-Emilion Grand Cru). Un domaine, un vin, qui continuent de l’habiter. Suivront les châteaux Canon-La-Caffelière, la Mondotte, Clos de l’Oratoire, grands crus classés de Saint-Emilion, propriétés de la famille de Neipperg. Parce qu’il sait écouter, faire parler la terre et la vigne, elles le lui rendent au centuple par des vins purs, droits, sincères et fiers de leur terroir, chacun doté de son style propre. Et ça commence à se savoir. Si Pavie-Macquin et Canon-la-Gaffelière restent ses ports d’attache, il voguera là où on le réclame dans le bordelais : Tour Figeac, Pin Beausoleil, Prieuré Lichine… jusqu’à la décision en 1998, de devenir consultant-vigneron. Ce sera ensuite l’Espagne, le Portugal, la Grèce, le Liban, l’Italie… Un job taillé à la mesure de ses envies de bougeotte : avant d’accepter – ou de refuser – un contrat, il se rend sur place pour arpenter la vigne des kilomètres durant, s’imprégner du lieu et de ses composants.
Vers les années 2000 et une réputation internationale
En 1999, il achète avec son épouse, un domaine dans le Castillon où ils fondent le Domaine de l’A, appliquant ce que Stéphane recherche dans les vins qu’il élabore ailleurs : finesse aromatique, texture de velours, identité venue du sol, du climat, de l’exposition… En 2000, il forme Julien Lavenu à ses méthodes. « La seule idée intelligente que j’ai eue il y a 15 ans, c’est d’avoir toujours un jeune en formation pendant une année ou deux. Ce qui permet d’accepter entre 10 et 15 nouveaux dossiers par an » prévient Derenoncourt qui dit haut et fort ce qu’il pense et ne fait rien comme les autres. D’abord par son approche de la vigne et du vin, basée sur l’observation, l’intuition et la connaissance pratique, plus sensitive que scientifique. Ensuite, par sa propension à privilégier l’esprit d’équipe et la transmission. Simon Blanchard puis Frédéric Massie rejoignent Julien Lavenu en tant que consultants puis associés. Ainsi naquit Derenoncourt Consultants en 2010. Composée d’une vingtaine de collaborateurs, la société conseille aujourd’hui 120 domaines (essentiellement bordelais) dans 17 pays (dont la Californie, dans la Napa Valley, Inglenoocq, vignoble de Francis Ford Coppola).
Consultant globe-trotter, le métier de Stéphane le mène vers des destinations « chaudes » telles que la Syrie, Turquie, Ukraine… sans le faire reculer. « J’y vais depuis longtemps mais si, à partir de la France, on est effrayé par ce qui s’y passe, la vie là-bas reste normale et j’adopte le même état d’esprit. En revanche, au Mexique, à Chihuahua, là où se trouvent les cartels de la drogue, quand on est accueilli par des gars qui portent une kalachnikov, j’avoue que c’est un peu impressionnant… » Avec les années, il s’est fait plus diplomate. « Le temps arrondit les tanins !». Aurait-il mis de l’eau dans son vin ? « Non, ça fait du rosé et je déteste ça… »
Derenoncourt Consultants continue sa progression et développe actuellement un pôle phytosanitaire afin d’accompagner ses clients bordelais vers une culture plus propre, la conversion en agriculture biologique et la biodynamie.
Valérie Faust
Infos : 2016.derenoncourtconsultants.com
* L’ouvrage « Wine on Tour, Derenoncourt, un homme, un groupe » paru récemment aux Éditions de L’Épure, de la dimension d’un 33 tours, retrace son parcours, intimement lié au rock.